Hors de question pour Shannon de manquer la soirée pour célébrer le retour des kidnappés. Il a dû un peu négocier ses horaires pour pouvoir y aller, et il manquera tout de même probablement le début de la soirée, mais tant qu'il peut y être présent, c'est le principal. Il était très petit quand cette histoire a commencé, et il n'a pas été directement touché par les enlèvements, mais il se sent quand même profondément impliqué, parce qu'il était là, que ça aurait pu être lui ou son frère. Ce qui le touche, en cet instant, c'est que si certains sont revenus, d'autres ne reviendront jamais. Altruiste comme il est, aujourd'hui, il se sent le devoir d'aider les gens à affronter tout ce que ces retours font ressurgir dans sa petite ville et c'est pourquoi il tient tant à participer à la soirée. Quand il quitte l'hôpital, ayant réussi à se faire remplacer par un collègue pour la fin de son service, il fonce chez lui prendre une douche et se changer, puis se rend au château où a lieu l'évènement dont tout le monde parle en ville. Shannon arrive pile au moment où Kelaan, un des survivants de retour de cet enfer, prend la parole. Le châtain est étrangement ému par son discours mal assuré. Une certaine empathie s'infiltre en lui, empathie qui le pousse à se diriger vers le jeune homme qui s'éclipse dès qu'il a fini de parler. L'infirmier avance sans trop en avoir conscience et surtout sans trop savoir ce qu'il va lui dire, il avance simplement, jusqu'à arriver à sa hauteur. « Bonsoir, beau discours. » Pathétique, il se mettrait bien une paire de baffes, mais il n'a pas mieux dans l'immédiat.

Des mots biens choisis, justes, déchirants. Une voix puissante, assurée. Tant d'émotions éveillées dans les cœurs des habitants de Youghal, qui tous, maintenant, ont la larme à l'oeil.

Du moins, je suppose. Parce qu'à vrai dire, je n'ai pas écouté le discours, du tout. Voyez, c'est qu'au moment où il est prononcé, je suis trop occupée à être bousculée par un jeune homme ayant à peine perdu sa josephtée, et a déguster mes crevettes chéries. C'est comme manger un tout petit cerveau. Je peux sentir toutes ses petites cellules s'écraser contre mes dents, ses veines éclater sous la pression créée par ma mâchoire. C'est génial. C'est piquant. C'est normal? J'hausse un sourcils, tel un émoji humain. Je ne crois pas avoir mit de sauce piquante sur mon nouveau crustacé préféré – et personne ne semble les avoir épicés.

Bref, Who cares.

J'en attrapes quelques portions de plus, parce que c'est gratuit, et je m'approche de Monsieur Discours, quand je remarque qu'il a terminé, pour le féliciter - J'ai beau ne pas avoir entendu une parole, je sais quand même me montrer polie, parfois.

C'est après deux ou trois crevettes de plus, que j'arrive près de Mister-je-parle-devant-des-gens. Quelqu'un, Shannon-qui-est-gay, est déjà là, le louangeant. ui, S'té bien J'ajoute à ses paroles, la bouche pleine – parfois, polie, pas toujours – me grattant la joue de ma main libre, puis l'épaule gauche, la droite, avec ardeur. Vous avez goûté aux crevettes? Je demande, tentant de retenir ma menotte, prête à attaquer chaque centimètre de peau me couvrant.